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Ce blog n'est pas un livre construit mais un ensemble de touches d'émotions ou de réflexions nées de quelques années de parcours professionnel et amical dans trois pays du Sud essentiellement : Haïti, Congo RDC et le Sénégal. Vos commentaires sont bienvenus autour de ces textes sans prétention. Juste un partage pour aussi faire découvrir de belles histoires au Sud et des moins drôles. Et n'oubliez pas de cliquer sur "plus d'infos" pour voir la suite de chaque billet !

mardi 21 juin 2011

LA SOURCE AUX LAMENTINS : VRAI HAVRE DE PAIX AU SENEGAL

Extraordinaire, notre amie Anne Catherine Bey Senghor. Cette ancienne pharmacienne, descendante de Léopold Sédar Senghor a décidé d’investir dans son village. Elle vend tout à Dakar et crée un hôtel restaurant. Ce terme de lieu restaurant, si banal, si quelconque, n’est pas adapté pour décrire la réalisation d’Anne Catherine.
Anne Catherine, la créatrice de ce lieu magique
Je ne sais quels mots utiliser pour décrire la Source aux Lamentins. Lieu trop exceptionnel. Chambres d’hôte ? Campement ? Havre ? Escale ? Je ne trouverai pas le mot sauf de dire « Chez Anne Catherine ».
Cette dame dégage une aura, soutenue par son mari, Monsieur Bey. Anne Catherine ne parle pas trop. Elle accueille, elle dit simplement son projet, serre les dents quand la clientèle n’est pas suffisante tout en souriant.
Le concept de Source aux Lamentins est magnifique : un restaurant aux normes d’hygiène extraordinaire : une cuisine froid, une cuisine chaud, une « marche en avant » pour la gestion des produits alimentaires qui pourrait être validée par toutes les normes ISO. Les chambres sont simples mais bien pensées et surtout si propres, tellement propres ! La climatisation est là, de même que les chauffe-eaux solaires. D’accord, les rideaux me tombaient sur la tête quand je les ouvrais, lors de mon dernier séjour. Défaut de jeunesse qu’Anne Catherine admet bien. Puisqu’elle écoute, je suis sûr que c’est déjà corrigé !
Je suis venu avec un ami français au restaurant de Source aux Lamentins. Il m’a dit : »c’est la première fois que je mange aussi bien au Sénégal ! »  Il est vrai que le chef de cuisine, Pape, est prodigieux. Ma gourmandise a fait que, deux repas de suite dans la même journée, j’ai mangé du barracuda sur son lit de poireaux.
Le buffet en plein air du dimanche
Il faut dire qu’Anne Catherine choisit elle-même ses matières premières. Elle met un point d’honneur à acheter à la ferme école  agro biologique de Kaydara créée par Jardins d’Afrique (voir message précédent) des produits bio. C’est Jardins d’Afrique qui aménagera le parc de Source aux Lamentins.
Au restaurant, parfois, vous pourrez être surpris tout en ayant envie de vous taire : Anne Catherine diffuse des poèmes de Senghor. Force prenante d’une poésie nègre, une des premières connues, chantant la nature et la négritude, dans sa dignité.
Anne Catherine ne manque pas de projets : un parc de plantes médicinales, un élevage d’huîtres de palétuviers… Anne Catherine est engagée à fond dans le développement de son village, Djilor Djijack, dans le Saloum.
En attendant son offre, à prix raisonnables, est grandiose : il faut partager les buffets du dimanche : l’ambiance. Il faut voir les enfants jouer dans la piscine, spécialement conçue pour eux (les adultes peuvent se baigner dans la lagune, si propre !). Elle promeut le solaire, pour le chauffe eau dans les chambres, pour l’éclairage du domaine.
La piscine des enfants. Au fond : la lagune 
Et puis à la Source aux Lamentins il y a tout ce que la nature offre : la lagune, les oiseaux, les varans, le lever du soleil. Anne Catherine a donné, par son domaine, l’envie de profiter de cette nature. On ne s’ennuie pas à la Source aux Lamentins. Juste savoir partir avec les pêcheurs locaux pour voir les flamants roses ou pêcher dans les bolongs. Anne Catherine vous préparera les sandwiches et grillera vos poissons. 

Un lieu de repos où il fait bon vivre. A faire connaître.

lundi 20 juin 2011

UNE ENTREPRISE DE COSMETIQUES, NATURELS ET EQUITABLES


Docteur Marie Diallo : petite bonne femme, la cinquantaine passée, sénégalaise bardée de diplômes. Pharmacienne industrielle plus pleins d’autres diplômes. Elle a créé les « Laboratoires Marie Diallo » qui produisent des cosmétiques à base de plantes naturelles. Elle s’inscrit, sans ambigüité, dans une logique de commerce équitable et est fière d’être membre du COFTA[1]. Bien plus, elle cherche à créer des revenus supplémentaires pour les groupements féminins.

Son laboratoire, situé à Thiès, est nickel chrome. Les jeunes qui y travaillent le font dans le strict respect des normes d’hygiène. Il est vrai que la cosmétique nécessite des règles d’hygiène aussi drastiques que dans la transformation alimentaire.
Docteur Marie Diallo n’aime pas qu’on emploie le mot de « cosmétique » à propos de ses produits. Elle préfère parler de « cosméceutique » parce que ses produits sont aussi des médicaments qui soignent les personnes qui ont des effets thérapeutiques dont des effets anti âge.
Mais Marie Diallo est avant tout une chercheuse. Notons quand même que les produits qu’elle délivre sont beaux, esthétiques, bien présentés.




La recherche de Marie Diallo se fait sur deux axes : faire en sorte que toutes ses matières premières viennent de l’Afrique sans produire elle-même les matières premières : elle ne peut faire tous les métiers ! l faut dire que Marie Diallo en connaît un rayon sur les matières premières puisque pendant des années elle a aidé les femmes du Burkina et du Sénégal à produire du beurre de karité de grande qualité. Et sur ce produit Marie Diallo est très gênée : elle importe des beurres de karité du Nord alors que la matière première vient du Sud ! le deuxième axe de la recherche de Marie Diallo porte sur son engagement personnel à faire en sorte que, par son activité industrielle les femmes africaines augmentent leurs revenus. Ainsi elle fait fabriquer des gants de « lofta », une sorte de gant de crin végétal connu depuis des siècles par les vieilles mamans. Pour chaque épi de lofta, Marie Diallo offre 100 FCFA aux femmes. Revenu non négligeable car les loftas sont livrés en sacs.
Marie Diallo a plus d’un tour dans son sac : si, par bonheur elle vous invite à manger chez elle (ce qui n’est pas difficile !) vous allez déguster des produits locaux surprenants mais tellement bons ! Je me souviens de tomates séchées et marinées qui auraient été dignes de figurer sur les tables des grands chefs européens. Elle fabrique son pain.  Et l’apéritif ne sera pas du pastis local mais des jus de légumes, dans des compositions dont elle a le secret : « carottes – oranges », concombre – citron » etc. Sa capacité d’invention n’a pas de limites. Elle aime le beau, elle aime le bon ! Chapeau bas Marie comme dirait Anne Catherine de la « Source Aux Lamentins[2] » . Elle n’a pas tiré toutes ses cartouches !
Un bug cependant : Marie Diallo a des crises d’arthrose qui la font tant et tant souffrir. Professionnelle, elle a tout essayé de la médecine conventionnelle. Aujourd’hui, elle s’ouvre aux tradipraticiens sénégalais et connaît des frémissements de résultats. Alors, elle cherche, et cherche encore, un pied dans la science moderne et un pied dans le respect des savoir-faire traditionnels. Symbiose entre deux mondes. Equation gagnante.
Qui dit que les pays du Sud n’ont pas des ressources ?


[1] / Cooperation for fair trade 
[2] /Voir billet précédent.

mardi 14 juin 2011

ENERSA / DES EQUIPEMENTS SOLAIRE MADE IN HAÏTI

Le logo de la société

« Changer la vie des gens à travers les énergies renouvelables »
C'est le slogan de cette petite entreprise haïtienne remarquable à plus d'un titre. Elle a été fondée par deux jeunes Haïtiens qui ont étudié au Canada mais ont fait le choix de rentrer dans leur pays et d'y créer une entreprise sociale. Installée à la porte du fameux quartier "Cité Soleil" où ils emploient 22 salariés. ENERSA produit toute sorte d'équipements solaires mais plus particulièrement des lampadaires uniquement à partir de produits haïtiens. Même les panneaux solaires et les ampoules LED sont produits localement à partir de composants importés. La technologie moderne existe en Haïti (à redire pour ceux qui voudraient en douter !).
Eclairage digne d'une autoroute ! (photo ENERSA)
Les lampadaires, comme j'ai pu le constater sont très performants, anti cycloniques et anti sismiques. Ceci a été démontré par les 1000 lampadaires déjà installés dans plus de 70 communes à travers le pays. Le modèle le plus demandé est celui qui permet de recharger les portables. Astucieux dans un pays où l'électricité publique reste une denrée rare !
Le lampadaire pour recharger les portables (photo ENERSA)
Récemment, ENERSA est allé appuyer l'Union des groupements paysans de Meckhe au Sénégal qui a démarré aussi une entreprise solaire, KAYER (KAYOR ENERGIE RURALE). jean Rosnel Noël, le directeur d'Enersa, a fait lui-même le déplacement au Sénégal avec un de ses collaborateurs. Il raconte son aventure sénégalaise dans un blog délicieux (http://lekonpatible.blogspot.com/). A lire absolument 
Une réalisatrice, Géraldine METRAL, a tourné un excellent clip sur ENERSA. De belles réalisations à découvrir en images. http://www.youtube.com/watch?v=ehAbXIUi8IY





lundi 13 juin 2011

ENFANTS ET MAMANS : LE RISQUE DE NAÎTRE EN HAÏTI

Alterpresse (une super agence de presse en Haïti) nous livre ces jours cet article qui fait froid dans le dos. Petites vies difficiles à venir. Et les mamans qui craignent tant !!!


Femme et enfant à Molette Gérardn dans l'Artibonite
P-au-P., 12 juin 2011 [AlterPresse] --- Des organisations haïtiennes estiment alarmantes les conditions de plus en plus dégradantes de la maternité et de la petite enfance en Haïti, où le taux de mortalité tend à augmenter ces dernières années.


« La maternité dans le pays est un véritable problème (…) Un regard sur les conditions dans lesquelles les femmes donnent la vie laisse voir quelque chose d’effrayant », estime la docteure Lise Marie Dejean, responsable de l’axe santé-femme de la Solidarité des femmes haïtiennes (Sofa).

En Haïti, actuellement, une femme sur 37 court le risque de mourir de causes liées à la grossesse durant la période de procréation (15-49 ans). La mortalité maternelle constitue la deuxième cause de mortalité chez les femmes, selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Les risques augmentent
« Haïti travaille depuis longtemps pour diminuer le taux de mortalité infantile, le taux de mortalité avant l’âge de 5 ans (…), et le taux de prévalence du Sida. Toutes ces valeurs ont diminué, sauf le taux de mortalité maternelle qui a tendance au contraire à augmenter », indique Lise Marie Dejean.

Des statistiques officielles et internationales estiment qu’en 1986, le taux de mortalité maternelle était entre 457 et 486 décès pour 100 mille naissances vivantes. Entre 1990-1999, il a atteint la barre de 523 décès pour 100 mille naissances vivantes. Entre 2005-2011, il est de 630 décès pour 100 mille naissances vivantes.

En 2002, selon OMS, les taux de mortalité maternelle et infantile en Haïti, – considérés comme deux des indicateurs de développement de la santé les plus sensibles – étaient les plus élevés de la région et parmi les plus élevés au monde, soit 50 à 100 fois plus élevé que celui du Canada et des Etats-Unis. En 2008, on estime que 80% des naissances ont lieu en dehors du système de santé, tandis que 19% des femmes enceintes n’ont aucune opportunité de se faire examiner par un médecin.

De nos jours, selon Lise Marie Dejean, le taux de mortalité maternelle oscille entre 12-15 décès pour 100 milles naissances vivantes au Canada et aux Etats-Unis, 25-28 décès pour 100 milles naissances vivantes au Chili et en Argentine, 85 pour 100 milles naissances vivantes en République Dominicaine, 30 pour 100 milles naissances vivantes à Cuba.

Le compte rendu de réunion du 15 février 2011 du Groupe sectoriel santé (Cluster santé) soutient que la couverture de soins prénatals est faible. 76 pour cent des accouchements sont effectués par du personnel non qualifié et 25 pour cent des accouchements connaissent des complications. Certaines sources, dont des experts en santé publique, font savoir que le taux de mortalité maternelle peut-être actuellement beaucoup plus élevé dans certaines zones du pays, surtout les plus reculées.

Des causes multiples
Rose-Anne Auguste, conseillère technique de l’Association pour la promotion de la santé intégrale de la famille (Aprosifa) attribue les causes de cette situation catastrophique à l’éloignement des centres de santé, aux conditions socio-économiques des femmes, à l’absence d’infrastructures routières et au manque de ressources humaines qualifiées.
60% des ménages ruraux habitent à environ 15 km du centre hospitalier ou du dispensaire le plus proche. De plus, ces centres disposent de faibles capacités d’intervention, indique le PNUD.

Selon l’OPS-OMS, les causes le plus souvent à la base de la mortalité maternelle en Haïti sont la grossesse extra-utérine, l’hémorragie du post-partum, les maladies infectieuses et parasitaires, le décollement prématuré du placenta, l’éclampsie et les complications consécutives à un avortement. « La pénalisation de l’avortement oblige les femmes à faible revenu à risquer leur vie en ayant recours à l’avortement dans de mauvaises conditions. C’est un grand risque pour la santé des femmes, qui se traduit par un taux élevé de mortalité maternelle », soutient l’organisation de défense des droits des Femmes, Enfofanm dans un atelier sur la sexualité, la santé et la violence contre les femmes, en 2003.

Selon un dossier de presse de l’Alliance pour la survie et développement de l’Enfant, de « Konesans Fanmi se Lespwa timoun », publié en 2001, le niveau d’éducation a une grande influence sur la mortalité maternelle et sur la réduction de la mortalité infantile.
« Les femmes sans instruction utilisent moins les services de planification familiale, et ont en moyenne 6,1 enfants, comparé à 4,8 chez celles ayant un niveau d’instruction primaire », lit-on.

L’autre facteur qui influe sur les conditions de la maternité et de la petite enfance en Haïti est selon quelques organisations féministes haïtiennes l’irresponsabilité paternelle.
Olga Benoit, membre de la Sofa a déclaré en 2008 à AlterPresse, qu’en Haïti, environ 47% des mères ou femmes enceintes sont abandonnées par leurs partenaires, qui « ne prennent pas leurs responsabilités ».

Des solutions intégrées
« Il faut traiter le problème de deux manières : pourvoir le pays de services de santé et promouvoir la participation de la population à la gestion des services de santé », relève Rose-Anne Auguste.

Selon elle, il faut rendre accessibles aux femmes des services de santé partout dans le pays, établir des cliniques de santé sexuelle mixtes pour informer les femmes et les hommes sur la sexualité et des cliniques prénatales pour l’accompagnement des femmes pendant leur grossesse, préconise la spécialiste.

La formation d’infirmières sages-femmes s’impose autant que celle des accoucheuses traditionnelles, appelées matrones, « une grande richesse », selon Lise Marie Dejean. Cependant, selon les spécialistes, dans un pays où 70 pour cent de la population vit avec moins de deux dollars par jour, la seule manière de permettre aux femmes d’accéder convenablement à des soins est la gratuité des services.


dimanche 12 juin 2011

UNE BELLE AVENTURE BIO AU SENEGAL

LA FERME ECOLE AGROECOLOGIQUE DE KAYDARA

Présentation

La Ferme Ecole Agro-écologique de Kaydara a été initiée par les membres de l’association Jardins d’Afrique sur un terrain qui à l’origine était d’une superficie de 3 ha,  et est  actuellement de 10 ha et demi, dans une zone peu arborée. L’association « Jardins d’Afrique » a été créée, à Mbour le 10 Octobre 2000, par plusieurs membres de l’association AGRINAT (Association des Agriculteurs Naturalistes du Sénégal) et à l’initiative du président d’AGRINAT, M Gora Ndiaye. Jardins d’Afrique est membre fondateur de la FENAB ( Fédération Nationale pour l’Agriculture Biologique au Sénégal) et en assure la vice–présidence, et membre fondateur du REPTA / SEN ( Réseau pour l’Education pour tous en Afrique / Sénégal).

Cette Ferme Ecole se trouve dans le village de Keur Samba Dia, dans le Sine Saloum, communauté rurale de Fimela, région de Fatick au Sénégal, à proximité de la Rôneraie, classée réserve naturelle de la biosphère par l’UNESCO. La ferme pratique l’agriculture biologique sous les cocotiers, Jardins d’Afrique s’étant spécialisé dans cette production d’arbres depuis de longues années.

Les objectifs de la ferme sont :
1.    Former et renforcer les capacités des jeunes ruraux pour leur offrir une chance de vivre sur leur terre avec une agriculture économe, autonome, performante, maîtrisable et respectueuse de l’environnement et de la nature pour qu’ils deviennent des entrepreneurs ruraux, et des fermiers relais
2.    Favoriser l’appropriation communautaire d’un modèle performant d’organisation du paysannat par le biais de la Ferme Ecole .
3.    Aider les familles à assurer leur autonomie alimentaire

Les formations portent sur les connaissances nécessaires à la conduite de toutes les activités d’une ferme :
a)   techniques culturales en maraichage, floriculture, arboriculture ;
b)   compostage, utilisation de traitements naturels (principalement à base de neem) ;
c)    élevage de volailles, bovins, ovins, caprins, lapins ;
d)   hygiène et propreté ;
e)   gestion.

Peuvent bénéficier de la formation :
a)   Les jeunes exclus du système scolaire,  et leurs familles ;
b)   Les jeunes urbains sans emploi, et leurs familles (venant de Mbour, Thiès, Kaolack) ;
c)    Les jeunes fermiers de la zone d’impact de la Ferme Ecole.
Quatre jeunes issus de la première promotion ont pu être installés dans le périmètre de la ferme.
Un des élèves de l'école qui garde le sens de l'humour


REGARDS PERSONNELS

Cette ferme de Kaydara est magique. Gora Ndiaye, un vieux jardinier (il se définie comme cela), bougon à l’itinéraire professionnel diversifié, ne transige pas. Ce sera bio et ce sera vrai. Josette, une française qui l’accompagne donne de sa personne et assure la gestion. Mamadou s’occupe du commercial pour vendre la production des élèves.

J’ai beaucoup appris de cette équipe. D’abord, parce que Gora réussit dans ses projets au Sénégal et moi j’ai un peu raté (une autre histoire qu’on racontera plus tard). Ensuite ces gens inventent : les élèves ont leur « bureau » sur leur parcelle où ils s’échappent pour réfléchir (entre midi et 16 heures il fait chaud au Sénégal !). Gora est gravement droit et je l’ai vu dans la relation avec d’autres institutions partenaires. Gora sait jouer les constructions pour le développement, lucide mais fidèle. Avec l’atelier solaire de Meckhe, Jariñoo Jant Bi, il a su leur faire confiance et leur confier la création d’un château d’eau et d’un pompage solaire.
L'installation solaire réalisée par une OP, l'UGPM de Meckhe
Mais j’ai aussi appris avec eux sur le maraîchage bio. Je ne suis pas agronome mais j’aime comprendre. Et j’ai vu : ces élèves qui posent les aubergines sur des noix de coco pour que les « bêtes de sols » n’attaquent pas ; ces cultures associées où la fraise peut pousser sans attaque parce qu’on l’a associée à du poireau ou de l’oignon, plantes répulsives par excellence !
Association  de cultures : fraises et oignons
 Et ces petits rouleaux de paille sur lesquels on pose les fraises pour éviter d’autres attaques du sol. Et cet élève qui avait épandu directement dans sa parcelle du fumier au lieu de faire du compost pour brûler les bactéries rapportées avec le fumier. Il a eu plein de problèmes mais a compris le message de Gora : passer impérativement par le compost.
Nous ouvrirons prochainement un autre débat : le bio est-il rentable au Sud ? Faut-il se faire certifier par des auditeurs du Nord ?

REPAS D'OISEAUX

Il  est des moments où la tension monte dans le travail en pays du Sud. Rien de tel que de s'échapper dans la nature à la recherche des oiseaux. Ici une série d'oiseaux du Sénégal en train de manger ou de boire. Du plaisir pour les yeux !!! Bon appétit !



"Le canari ne porte que ses ailesmais ses ailes le portent". 

Extrait de La Danse de la forêt


Le repas du sterne

Non ce n'est pas le repas. Seulement la préparation du nid

Petit déjeuner de tisserin dans un grand hôtel





Choucador se désaltérant sur un tuyau d'arrosage

LA RONDE DES 4X4

Poème écrit en 1998. Prémonitoire. Aujourd'hui les 4X4 sont légion dans toutes les capitales du Sud avec de plus en plus de vitres teintées, de plus en plus noires. Les écarts de richesse se creusent, inexorablement, dans les pays du Sud.
Tap-tap en Haïti. Tous ne voyagent pas en 4 X 4
Foncés dehors,
Clairs de peau à l’intérieur,
Vitres d’ambre ou d’ébène ou de cul de bouteille,
Climatisés, réfrigérés,
Protégés des peaux noires,
Ils ronronnent les 4X4,

Chromes dehors, rutilants,
6 cylindres feutrés,
propres, oh si propres,
nettoyage à 2 gourdes
par l’enfant de la rue
dont le propriétaire bedonnant,
chevalière d’or au doigt,
aura vérifié la netteté du chiffon.

22 heures,
« il » vient,
lui, mais elle aussi, parfois « elles »,
vitres fermées,
sono puissante, en stéréo s’il vous plaît
et forcément,
Le V6 ou V8 ou V10 ronronne
Quand le véhicule se gare,
Doucement.
« il » klaxonne,
ou « il » ne klaxonne même pas.
Le serveur, noir, forcément, accourt,
Vite, entre les gouttes de la trombe d’eau,
Mais parfois il fait beau,
Car il n’y a pas de lien entre le 4X4 et la pluie,
Mais parfois il pleut aussi, fort
Mais la peau claire dans le 4X4 ne sent pas la pluie
Qui caresse l’épaule du serveur noir.

Le serveur prend la commande,
Car la tribu motorisée ne descend pas de voiture,
Pour manger avec les nègres, ou les blancs,
Bref avec les autres.

Pourquoi ?
Pour garder le frais ?
Pour ne pas se polluer avec d’autres peaux ?
Par peur pour les bijoux de famille ?
« Chéri ne me laisse pas, on est si bien là ! j’ai besoin de toi ! »
Pour ne pas perdre une note des Fugees ?
Pour faire l’amour sur une frite en écoutant de la musique ?
Pour ne pas maigrir en descendant de la voiture ?
Une peau claire est surprenante, tu ne trouves pas ?

Le serveur a noté dans sa tête,
Et oui, le Noir a de la mémoire
Même sous la pluie il sait retenir,
Il a d’ailleurs intérêt,
Car la peau claire parle dur
Du haut de la 4X4...
Puisque le client est roi
Et le client à la peau claire est le roi des rois...
Même si on a aboli l’esclavage il y a 150 ans...

La main claire à la chevalière revient,
Dans le 4X4,
Qui ronronne,
Qui transpire de musique,
La main se tend,
Prend le repas,
Ersatz de Mac Donald, coca inclus.
La main réclame la facture,
Le serveur court, dans l’autre sens forcément,
Rapporte la facture,
Encaisse les billets, propres,
Court encore,
Pour rapporter la monnaie,
Sans mouiller les pièces.
Attend le pourboire, sans courir,
Et le prochain 4X4.

Dimanche soir : du Nord vers le Sud,
De nuit, à 6 heures P.M.,
De la côte des Arcadins à Port-au-Prince,
De la plage à la capitale,
Circulation à deux vitesses,
Des pauvres dans des camions ou des bâchées sans phares,
Voyage sans assurance, si long,
Pannes le long de la route puisque « pa geyen caoutchouc ! »
Des petites berlines calmes,
Familles simples qui reviennent de la mer.

Et derrière,
Mais pas pour longtemps,
troupeau de fauves,
Surgissent les 4X4,
A 150 à l’heure,
Plus noirs que noirs dans la nuit,
Peaux dedans inconnues,
Peut être claires
Ou nègres blancs,
Même que les phares se reflètent dans les chromes,
Et les 4X4 klaxonnent,
Et les 4X4 vont vite,
Sur les petites vies qu’on peut écraser.

Pauvre imbécile d’enfant noir
Qui ose traverser,
Oubliant le code de la route
T’as pas appris cela à l’école où tu ne vas pas ?

Un 4X4 c’est fort,
Ça sait se faire respecter,
Peau claire est bien,
Peau claire possède la route,
Peau claire est puissant.

N’aies pas peur ma chérie,
Notre 4X4 à nous sera petit, tout petit,
Juste pour voir la maman à Hinche,
Où les amis, le long de ces canaux de l’Artibonite,
Lieux de vie et de mort,
Où l’eau glisse le long des cadavres d’animaux,
Puis enveloppe les femmes qui se lavent dans le canal,
Pour finir dans le seau de la petite qui puise le liquide précieux pour la cuisine,
Le reste étant pour le cheval qui se baigne.

Notre 4X4 sera blanc,
Et il ne klaxonnera pas.

Mardi 3 novembre,
9 heures PM,
Au P’tit Louvre
En attendant les 4X4

LETTRE 4, HAITI, MISSION SEPTEMBRE 2010

Message 4

Port-au-Prince, Paris
La maison où vivait Chloé, ma fille, pendant le tremblement de terre
La campagne électorale est lancée. Campagne silencieuse dit-on : les affiches fleurissent. Au mètre carré affiché, Jude Célestin, le soi-disant poulain de Préval arrive en tête. Ne cherchons pas le programme politique sur ses affiches, ni même le slogan mobilisateur :  juste « INITE ».
Dans l’avion de retour je lis le Novelliste, journal local (un peu l’équivalent du Monde Chez nous). Le Novelliste écrit sous le titre « Les USA s’engagent mais ne délivrent pas » : « Près de 9 mois après le séisme dévastateur du 12 janvier, plus d’un million d’Haïtiens vivent toujours dans la rue au milieu des piles de déblais. ET à ce jour pas un seul dollar sur le 1,15 milliard (845 millions d’euros promis par les Etats Unis pour l’aide à la reconstruction d’Haïti n’a été versé » ont écrit les journalistes Jonathan M. Katz et Martha Mendoza de l’Associated Press ». De source bien informée, la France ne fait pas mieux. Beaucoup de promesses, peu de déblocages.
Les pluies continuent. Encore des morts. Que des pluies, je dis ! Pas des cyclones. La vulnérabilité est grande. Insupportable.
Je rencontre le directeur d’ENERSA, un ingénieur haïtien qui mise sur le solaire. Que du bonheur d’entendre cet entrepreneur qui en Haïti fabrique des panneaux solaires et des lampes LED à partir de composants importés. Son gros marché actuel est la vente de lampadaires solaires pour les camps de tentes : « il y a tellement d’insécurité, de viols. Les ONG payent. Le directeur d’ENERSA est intéressé par le fonds rural monté par le KNFP. Homme de développement. Je cherche à l’inviter au Sénégal pour qu’il puisse y transférer son savoir-faire. Coopération Sud-Sud. Il viendra au Sénégal, il a envie.
C’est mon quatrième et dernier message à l’issue de cette mission. Une question fondamentale se pose pour nous, acteurs de développement et solidaires de Haïti : La population dans son ensemble est dans une situation indescriptible, infra humaine. D’un côté, sur Internet beaucoup de gens s’agitent pour dire « On fait ceci et cela ». Misère et pauvreté sont fonds de commerce de beaucoup d’ONG humanitaires alors que les vies à ne pas vivre ne changent pas. Les gouvernants jouent avec les messages de pub mais l’argent ne vient pas.
D’un autre côté des organisations ou des entreprises haïtiennes (ne pas opposer les deux) réalisent un travail de fond. Le KNFP laboure et laboure encore pour créer un fonds rural, le FRICS (Fonds Rural d’investissement et de Crédit Solidaire). Nos amis haïtiens serrent les dents pour ne pas fuir à l’étranger, familles écartelées. Communiquent beaucoup sur un plan national (le KNFP a fait un tabac à un colloque récent sur la micro finance [surréaliste par les temps qui courent ?] tant il disait des choses vraies, libératrices parce que rejoignant tout ce que pense les Haïtiens : « Non, des taux d’intérêt élevés ne sont pas compatibles avec la réalité rurale. Oui, l’agriculture peut être financée ». Mais le KNFP communique peu à l’international.
Nous tous qui en sommes les acteurs de l’international, ne devons nous pas passer des messages sur l’indicible qui se vit en Haïti ? Dominique Lesaffre joue à merveille ce rôle sur la Palestine, autre situation indicible. Deux communautés bafouées : la Palestine au niveau de la reconnaissance des droits humains des Palestiniens ; Haïti au niveau du simple respect de la vie humaine. Un million de personnes dans des tentes, cela ne choque plus ? Vous imaginez 9 mois de vacances sous tente ? Sans le confort du campeur lambda en France ?
Tous sont unanimes : il y a bidonvilisation des camps, les tôles, les morceaux de carton apparaissent. « Ils » s’installent avec un niveau d’espoir zéro.
Nous ne pouvons nous taire. KNFP ne peut pas se taire : sinon où est l’économie solidaire que nous prônons ? Certes le rural nous tient à cœur. Et y a beaucoup à y faire. Mais ces camps de la honte en pleine capitale ? Ne devons nous pas revoir notre copie ?
J’interpelle car je ne peux faire autre chose (trop petite personne). On peut susurrer le rural. J’étais un des premiers dans cette voie. Mais ces places publiques occupées de tentes, petit à petit transformées en bidonvilles car les « habitants » savent qu’ils n’ont aucun autre choix, cela perturbe, invite à revoir notre copie. D’accord ces gens sont victimes de politiques qui les ont poussés à quitter le milieu rural. Il fallait leur donner les moyens de cultiver. Cela n’a pas été fait. Nous avons des camps de personnes en détresse. Sans avenir. Les élections ne changeront rien. Les organisations internationales ont intérêt à ce que ces camps durent. « Business Development ».
Je ne peux comprendre que huit mois après le tremblement de terre je retrouve les mêmes camps. Je n’ose même pas y entrer. Je n’y prendrai pas de photos (encore que…, pour témoigner).
Nous faisons donc quoi ? La communauté internationale a menti sur les aides. Il n’y a objectivement aucune perspective pour ces gens des camps. Pas de pilote à bord. L’Etat est impuissant, vidé de ses cadres capables. La communauté internationale est enferrée dans des bureaucraties qui n’ont jamais mis les pieds dans les camps. Les ONG font perdurer les situations. KNFP a d’autres mandats et d’autres chats à fouetter. 

SOUFFLONS UN PEU EN REGARDANT DES IMAGES

Ce blog est lourd d'interrogations. Soufflons un peu en dégustant quelques images du Sénégal.. Juste pour se faire plaisir.
Replantation de la mangrove à Djilor
Femme cultivant le riz à Djilor
La forêt classée de rôniers près de Djilor






Un initié lors d'une fête à Djilor


samedi 11 juin 2011

LES RICHESSES FOUTENT LE CAMP : LA FORÊT D'ABORD

Ecrit en juillet 2006. Actualisé en juin 2011


Juste une réflexion qui vient dans le métro, loin de mes amis africains, mais parce que leur avenir est dans ma tête : les richesses de la terre sont détruites, tranquillement, gravement. Les réserves d’énergie fossiles s’épuisent. Les forêts disparaissent. Des champs deviennent des autoroutes ou des lotissements des villes. L’eau reste rare et deviendra plus rare et on en sent même les conséquences en Europe. Des sols s’appauvrissent. La terre n’est pas ingrate mas on la maltraite. Les poissons disparaissent des mers. La couche d’ozone diminue. On va où ?
Je n’ai pas la compétence de parler de toutes les ressources que la terre prodigue. Je me contenterai d’une illustration avec les forêts.

Sur les forêts

Un site Internet donne cette carte de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique. Cela ne fait pas frémir ?

  « Dans quelle proportion la déforestation réduit-elle les forêts ? L´Organisation des Nations Unies pour l´alimentation et l´agriculture (FAO, 1997) a estimé que dans les pays en développement, le rythme annuel de la déforestation se chiffre à 15,5 millions d´hectares pour la période allant de 1980 à 1990 et à 13,7 millions d´hectares pour la période 1990-1995. Au total, au cours de cette période de 15 années, c´est environ 200 millions d´hectares de forêt qui ont disparu. Pour mettre ce chiffre en perspective, 200 millions d´hectares, c´est un territoire plus étendu que celui qu´occupe le Mexique ou l´Indonésie.
La FAO (Drigo, 1997) rapporte que l´évolution du territoire couvert par les forêts entre 1980 et 1990, en Afrique, est largement due au fait qu´elles sont défrichées pour laisser place à de petites exploitations agricoles ainsi qu´à des cultures et à des pâturages permanents, à quoi s´ajoute le ramassage du bois de chauffage, cause d´une dégradation lente et progressive. On estime que ce sont les pressions exercées par la population rurale qui sont le principal facteur de ces changements »[1].
En Haïti,la situation devient terrible : « es dernières générations vieilles d’au moins une trentaine d’années ont connu cette diversité biologique, sorte de tableau impressionnant qui progressivement perd de son attrait et de sa consistance pour arriver aujourd’hui au point critique de moins de 2% de couvert végétal. Cette destruction féroce et rapide est fraîche si bien que leurs archives cérébrales pourraient encore leur indiquer où se trouvait tel ou tel arbre, même quand les racines ne se voient plus à l’endroit[2] ».

La forêt : instrument de sécurité alimentaire et de santé publique
On a beaucoup insisté sur le rôle de la forêt pour l'amélioration du climat et la réduction de l'érosion. Mais on oublié trop souvent que les forêts nourrissent les hommes du Sud, en période de famines mais pas uniquement. Dans bien des contrées les gens avaient l'habitude d'enrichir le plat de couscous de mil avec du moringa olifeira (plein de protéines) ou du leptadenia Hastata (un puissant antibiotique à large spectre). En outre, les forêts regorgent de plantes médicinales et avec la pauvreté, la prolifération des médicaments frelatés les populations rurales se tournent de plus en plus vers les tradi praticiens et la médecine traditionnelle... qui prend ses plantes dans les forêts. Mais on néglige trop ces savoirs et les matières premières qui leur permettent d'exercer leur métier (Voir mon prochain site :"PASSION NATURE SUD", 

L'aloe vera : magie de la nature au Sud
Alors, on finance comment ?

On peut bien rester dans une logique productiviste : « Tu veux acheter une parcelle dans la banlieue ? Pas de problème dès lors que tu présentes un titre de propriété ! » Et l’institution financière ne s’interroge pas sur les paysans qui ne pourront plus cultiver ! C’est du développement cela ?
Un grand gourou de la microfinance disait un jour, très sérieusement, en réunion avec des grands responsables de la coopération française : « on se plaint que la microfinance ne finance pas le long terme ? Mais ce n’est pas un problème. Si quelqu’un veut planter des arbres il n’a qu’à planter quelques arbres en première année, puis quelques arbres en seconde année et il rembourse avec les autres activités ! » Et c’est ainsi qu’on règle le problème du reboisement ?

Un jour, il faudra s'occuper du financement des forêts mais aussi de ceux qui en connaissent la valeur : les tradi praticiens.

Il y a beaucoup de dégâts dans le monde sur les ressources.


[1] . http://www.rcfa-cfan.org/index.html (réseau des conseillers forestiers de l’ACDI
[2] / Abner SEPTEMBER, ent : Pourquoi faire ou comment le réussir ? », Alterpresse, vendredi 22 avril 2005